Me voilà rentré du Tibet ! J’ai pris hier après-midi mon vol retour de Lhassa à Chengdu. J’ai apprécié mon séjour au Tibet, et j’apprécie d’autant plus de rentrer à la maison. C’est qu’on n’a pas assez voyagé, si on n’est pas content de rentrer chez soi. Le moment est donc venu de vous faire partager un peu cette douzaine de jours. Durant ce séjour, je n’ai pas eu le courage de rédiger un article, car un peu fatigué par la route et les visites. Ce premier article sur le Tibet se veut plutôt descriptif, par contre je prépare déjà un deuxième article plus polémique où je donnerai mon humble opinion sur le Tibet d’aujourd’hui.
Pour le moment donc, je me contente d’un gentil article sur mon séjour au Tibet.
Le train Chengdu-Lhassa
Deux jours de train, c’est un peu de trop. Les paysages de la première journée entre Chengdu et Xining n’ont rien d’extraordinaire. Des petites montagnes vertes, et de temps en temps un petit village. En revanche, la seconde journée à partir de Xining vaut vraiment le détour (et aller de Chengdu à Lhassa en passant par Xining est un véritable détour, il suffit de regarder une carte pour s’en apercevoir). Cette deuxième journée, on traverse des hauts plateaux de l’Amdo (on monte à plus de 5000 mètres d’altitude). On peut y voir des troupeaux de yacks, des petits lacs, des petits villages, et au loin des montagnes enneigées.
Deux jours à Lhassa
Quand on arrive à Lhassa la toute première fois, et qu’on découvre la ville à travers les fenêtres du car qui relie la gare à l’hôtel, on découvre en fait une ville chinoise. C’est plus tard, lorsqu’on pénètre au cœur de la ville dans le quartier Barkhor, qu’on voit vraiment l’âme tibétaine de la ville, avec les centaines de pèlerins qui marchent autour du temple Jokhang, le temple le plus sacré du bouddhisme tibétain.
Lhassa a ses incontournables, que sont le palais du Potala, le temple Jokhang, et le monastère de Séra.
Le palais du Potala fut le lieu d’habitation du Dalaï-lama depuis sa construction au XVIIème siècle sous le règne du grand Vème Dalaï-lama. Lorsque le guide vous mène à travers les différentes salles du palais, vous comprenez à quel point le lieu est chargé d’histoire. Vous frissonnez un peu devant les tombes des Dalaï-lamas qui se sont succédé ici pendant des siècles. Vous vous dites un peu que vous avez un privilège d’entrer dans un lieu interdit aujourd’hui à l’actuel Dalaï-lama.
Le temple Jokhang, c’est le temple le plus sacré du bouddhisme tibétain. Sa structure comporte de nombreuses chapelles. Quand on connaît mal le bouddhisme tibétain, la multiplicité des bouddhas et autres objets de vénération peut paraître confuse. Ce que je préfère du temple Jokhang, c’est son toit. De là, on a une excellente vue sur le quartier Barkhor en contrebas, sur le palais du Potala au loin et plus loin encore les montagnes entourant Lhassa.
Le monastère de Séra est un incontournable enfin, non pas grâce à l’ensemble de ses chapelles, mais grâce aux débats qui s’y tiennent tous les après-midis (sauf dimanche) entre les moines. On assiste à ces débats librement, qui ne sont pas un spectacle pour touristes, mais un vrai moment authentique de la vie des moines. Ce sont en fait des joutes verbales très codifiées entre deux personnes : l’interrogateur debout, et celui qui répond assis. À chaque réponse, l’interrogateur tape du pied sur le sol et claque des mains simultanément, et finit ce geste de la main paume vers le bas ou vers le haut pour signifier respectivement si la réponse est correcte ou non.
Nous avons visité aussi le monastère de Drépung. Nous avons assisté là au dessin par deux artistes du Thangka géant représentant bouddha, fameux thangka qui sera déroulé devant des dizaines de milliers de pèlerins durant le festival Shoton cet été.
Route vers Shigatsé
Après deux jours à Lhassa, direction Shigatsé qui est la seconde plus grande ville du Tibet après Lhassa. C’est une longue route. Heureusement, il y a de très bons arrêts à faire en chemin. Un premier col permet d’admirer le lac Yamdrok aux eaux très bleues, qu’on longe ensuite sur des dizaines de kilomètres. Plus loin, on s’arrête pour admirer le glacier de Karo-la, un glacier situé à plus de 5000 mètres d’altitude.
Enfin, la petite ville de Gyantsé est sur la route de Shigatsé. Là s’y trouve le monastère de Palcho et à côté, l’impressionant stupa Kumbum. Le stupa est dans le bouddhisme un mausolée en forme de dome circulaire surmonté d’un mât conique (pour faire simple). Au Tibet, on les appelle aussi chörten. Kumbum en tibétain signifie « 100 000 images de bouddhas ». Ce stupa géant est le plus grand du Tibet, il est construit sur 9 étages avec en tout 77 petites chapelles.
Le camp de base Everest
Ce camp est situé à une journée de route de la ville de Shigatsé. Pour le rejoindre on doit passer par Lhatsé puis Shegar (aussi appelé New Tingri) et enfin Gangkar (Old Tingri). A partir de ce dernier village, le véhicule emprunte une piste de terre caillouteuse inégale et mal définie. Trois heures de cette route conduisent au premier camp de base. C’est là que nous dormons. Nous sommes à environ 5200 mètres d’altitude : la nuit est fraiche et le manque d’oxygène se ressent. Le paysage est en revanche grandiose. Lorsqu’il fait beau, les coucher et lever de soleil sont des moments magiques. Le matin du deuxième jour, on peut s’approcher de l’Everest de quelques kilomètres jusqu’au 2ème camp de base. Mais vous avez beau vous approchez, le grand Qomolangma (mot tibétain pour l’Everest), se dresse toujours devant vous majestueusement, montrant sa face inaccessible.
Retour à Lhassa
Le retour à Lhassa est long, il faut faire deux jours de voiture dans le sens inverse. Heureusement, on peut s’arrêter à Shigatsé pour visiter le monastère de Tashilhunpo, qui est la demeure traditionnelle des Panchen-lamas. Qui sont les Panchen-lamas ? Ce sont comme les Dalaï-lamas des successeurs d’une lignée de réincarnation. Ces deux personnages sont les chefs de la secte Gelugpa (secte au bonnets jaunes qui dominent le bouddhisme tibétain depuis le XVIIème siècle). Aujourd’hui, nous sommes au 14ème Dalaï-lama, et au 11ème Panchen-lama. Le Dalaï-lama est de loin le plus connu dans le monde, mais aussi le plus populaire au Tibet. Je vous reparlerai du 11ème Dalaï-lama dans mon prochain article…
Sachez quand même que le bouddhisme tibétain n’est pas du tout unifié. Il existe aujourd’hui quatre principales sectes (ou courants) dans ce bouddhisme : Gelugpa (courant dominant fondé par Tsongkhapa au XIVème siècle et dont le monastère principal est le monastère de Ganden que nous avons aussi visité, voir photo ci-dessous), Sakyapa (fondé au XIème siècle et dont le monastère principal est celui de Sakya dans la région de Shigatsé), Kagyupa (fondé au XIème siècle, divisée en plusieurs branches dont karmapa qui a son siège au monastère de Tsourphou) et Nyingmapa (bouddhisme tantrique et courant le plus ancien qui tire ses origines au début du bouddhisme tibétain au VIIème siècle et dont le premier monastère fut celui de Samyé, achevé au début du IXème siècle)
Le lac Namtso
Finalement, nous clôturons le voyage au Tibet par le lac Namtso, lac sacré à une centaine de kilomètres au nord-nord-ouest de Lhassa. Ce fut honnêtement le plus bel endroit du séjour. J’ai adoré me promener au bords de ce lac sur lequel flottait une nappe de cristaux de glace et qui me séparait d’un horizon de montagnes enneigées. J’ai aimé le décor du camp qui a un petit côté far-west, et la vue du haut de la falaise qui s’offre après une montée éreintante (on est tout de même à 4800 mètres d’altitude), vue sur le lac et jusqu’au coucher du soleil sur le relief.
Vous pouvez retrouver le parcours de la première partie du voyage ici ou la visionner en vidéo :
Ce que j’ai moins aimé dans ce voyage
- La durée du train, et le fait d’être en 1ère classe : les couchettes compartimentées empêchent des rencontres avec des locaux. Par exemple un des compartiments voisins était remplis de 4 Malaisiennes, l’autre de 2 Espagnols, celui dans lequel j’étais de 2 Brésiliens, un Malaisien et moi-même. Ils ne sont pas inintéressants en soi, mais ce ne sont pas des locaux. J’ai eu la nostalgie des 35 heures de train faites autrefois entre Pékin et Chengdu sur siège dur, avec seulement quelques centimètres carrés pour s’assoir, une allée remplie par la sur-réservation en période de nouvel an chinois. Un voyage long, où on ne dort pas beaucoup, mais beaucoup plus animé. Le train pour Lhassa a été par comparaison beaucoup plus monotone.
- De même en tant qu’étranger si vous voyagez au Tibet, vous serez dans un groupe avec des étrangers. Il ne faudra donc pas s’attendre à beaucoup d’échanges avec des locaux. Pas parce qu’on vous l’interdira ou qu’on vous empêchera de les rencontrer (on n’est pas en Corée du Nord), mais d’abord parce que vous voyagez en groupe. Vous échangerez donc surtout avec vos compagnons de voyage, et au mieux votre guide, qui est certes un local, mais qui fait avant tout son travail et a donc une relation de service monnayé avec vous. De plus, vous ne connaissez probablement pas la langue locale et on a beau essayer, le langage des mains reste limité (si vous connaissez le tibétain, bravo, car c’est une langue difficile et inutile). Enfin, si vous avez envie de parlez à un local, rien ne dit que lui veut échanger avec vous. Mais bon, cela est inévitable au Tibet central, les autorités chinoises y empêchant les voyages autonomes ( c’est possible dans le Tibet oriental)
- J’ai aussi eu du mal avec le climat très sec de Lhassa qui implique chez moi des saignements de nez répétés, la poussière sur la route jusqu’au mont Everest, l’altitude qui provoque des maux de têtes…
En revanche, les bons points du voyage sont l’organisation du séjour : visites intéressantes, bons hôtels, bons petits-déjeuners, guides connaissant bien le Tibet et chauffeurs prudents. Le programme était intéressant et il permet de se faire un bon aperçu du Tibet.
Ce que j’ai aussi beaucoup aimé, ce sont les dîners tibétains avec mes collègues chinois et tibétains. Beaucoup de viande de yack, du mouton, de la tsampa et en boisson le chang (alcool tibétain).
Pour conclure, une petite comparaison s’impose entre le Tibet central (région autonome du Tibet dont Lhassa est la capitale) et Tibet oriental (régions tibétaines à l’Ouest du Sichuan ou Qinghai). Connaissant ces deux régions du Tibet, je me permets de dresser un petit récapitulatif à l’intention de ceux qui ont pour projet de partir au Tibet.
Le Tibet central : c’est la destination que vous devez choisir si vous souhaitez découvrir les lieux les plus sacrés, les monuments les plus grands, les lieux les plus chargés d’histoire tibétaine. Il est clair que les principaux monastères se situent au Tibet central, qu’on y trouve aussi le palais du Potala, des forteresses tibétaines, etc. C’est aussi là que se trouve des sites naturels uniques : mont Everest, mont Kailash, lac Namtso, lac Yamdrok, lac Manasarovar, etc.
Le Tibet oriental : c’est la destination à privilégier en mode routard. Là, vous pouvez véritablement y voyager seul, sans permis Tibet, sans guide, etc. Les règles pour le tourisme y sont moins strictes. Vous pouvez plus facilement échanger avec les locaux, voire dormir chez eux. Il y a aussi très peu de touristes en comparaison. J’y avais fait aussi du cheval, de la moto, etc. Et le Tibet oriental possède lui aussi son lot de villages tibétains authentiques, de séries de monastères, d’hordes de pèlerins, de rangées de rouleaux à prières, de lianes de drapeaux, de troupeaux de yacks, etc. Pour vous en convaincre, j’irai y faire un petit tour un jour…