En épousant ma femme chinoise, j’ai aussi épousé sa famille, que je cotoie beaucoup. Ayant choisi de vivre dans cette région étrangère, je dois évidemment me plier aux us et coutumes locaux. À Rome, fais comme les Romains. En particulier, il faut ici adopter la politesse chinoise.
La politesse chinoise est très différente de la politesse en Occident. En particulier en ce qui concerne l’appellation des membres de sa famille.
En France c’est simple, à part pour ses parents, ou grands-parents, on peut appeler pratiquement tous les gens de sa famille par leur prénom. En Chine, il est extrêmement impoli d’appeler par leurs prénoms ses aînés, en particulier ceux des générations précédentes (les générations précédentes sont appelées zhangbei, les générations plus jeunes wanbei). Subtilité : une personne plus jeune que soi peut être son zhangbei si elle est par exemple le petit frère de sa mère, dans ce cas, il faut la traiter en fonction.
Je me suis donc amusé à répertorier tous les différents termes que j’utilise pour désigner les différents membres de la famille, et il y en a beaucoup !
Je préfère vous prévenir à l’avance :
- Cet article très technique et complexe pourra vous paraître complètement rébarbatif et sans aucun intérêt, à part pour sentir un peu le degré de complexité de la chose. Mais si c’est le cas, il vous sera difficile de trouver la solution à la devinette en fin d’article, ce qui serait ballot ! Si vous comptez vivre dans le Sichuan dans les prochaines années, cela pourra vous être utile.
- Les termes pour désigner les membres de sa famille peuvent varier beaucoup d’une région à l’autre de la Chine. Je ne parle ici que de ma famille (dans le sud du Sichuan)
- Je mets tous les termes en transcription pinyin. Les termes en chinois sont à la fin de l’article
Les principes de bases à savoir en Chine sont les suivants :
- Les termes sont différents du côté paternel et du côté maternel
- Il faut retenir dans chaque fratrie qui est né dans quel ordre (aîné, cadet, deuxième cadet, etc). À la génération précédente, quand il n’y avait pas encore de limitation du nombre d’enfants, les fratries étaient composées de pas mal d’enfants, donc il faut mémoriser pas mal de personnes. (ceci dit, mes grands-parents maternels ont engendré 14 enfants, heureusement que ce n’est pas en Chine, sinon je devrais retenir leur ordre de naissance…)
- Dans mon cas, je dois retenir tous les termes dans le dialecte local
Bon, entrons dans le cœur du sujet. Tout d’abord ma femme : je l’appelle par son prénom la plupart du temps. Sinon le terme pour l’appeler est laopo. Mari se dit laogong.
Ensuite, je dois appeler tous les membres de sa famille exactement de la même façon qu’elle, moins quelques exceptions. J’appelle donc ses parents baba (ou ba) et mama (ou ma). ça fait bizarre au début, mais on s’habitue. De leur point de vue, ma femme est leur nü’er (fille) et je suis leur nüxu (gendre). Ma femme n’a ni frère ni sœur.
A la génération précédente, la fratrie du père est composée de sept personnes, cinq du côté de la mère.
Du côté de la mère, il y a d’abord dajiujiu (da désigne le plus grand), sa femme dajiuniang et leur fille qui est moins âgée que ma femme et qui est donc une biaomei (cousine par une mère). En fait, comme cette génération est principalement composée d’enfants uniques, on la désigne comme une petite sœur, donc meimei. Mais comme elle est moins âgée, on l’appelle en pratique par son prénom. Elle est aussi ma yimei (terme désignant le petite sœur se sa femme).
Parenthèse : dans la culture locale, l’oncle maternel (jiujiu) a une très grande importance, en particulier chez la minorité Yi, très présente dans la région de Xichang. L’oncle maternel est aussi important voire plus que le père.
La deuxième de la fratrie est eryi (qu’on appelle erniang), son mari eryidie (er veux dire 2, on abrège en yidie) et leur fille plus âgée que ma femme est aussi une biaojie. En pratique, on l’appelle par son prénom, suivie de jiejie (grande sœur) car elle n’est âgée que de 6 ou 7 ans de plus. Elle est mariée. Nous appelons ma femme et moi son mari par son prénom suivi de gege (grand frère). Je peux aussi l’appeler par le terme laotiao, car nous sommes deux hommes ayant épousé deux sœurs (en fait des cousines, mais encore une fois on préfère dire sœurs). Ils ont un fils, qui est donc notre zhierzi (neveu). Nous l’appelons par son prénom, ou parfois par le surnom xiaodongxi (petite chose) car il n’a que trois ans.
Le troisième, c’est sanjiujiu (san veut dire 3) et sa femme sanjiuniang, qui ont aussi une fille plus âgée, donc une biaojie. Comme elle n’a que deux ans de plus que ma femme, on l’appelle par son prénom seulement. Elle est aussi ma yijie.
La quatrième est la mère de ma femme.
La cinquième, c’est wuyi, ou wuniang (vous l’aurez deviné, wu veut dire 5) son mari est wuyidie (qu’on abrège en yidie). Ils ont un fils qui est moins âgé, c’est donc un biaodi, qu’on désigne comme un didi (petit frère), et qu’on appelle par son prénom. C’est aussi mon xiaojiuzi.
Vous commencez à comprendre la complexité ? Passons du côté du père !
Du côté du père, ils sont sept. Le premier est dabobo (qu’on prononcé dabeibei) et sa femme dabeiniang. Ils ont deux fils et deux filles. Dabeibei a un père différent des suivants mais ils ont tous la même mère. L’un des fils, que l’on appelle par son prénom, suivi de gege est marié, on appelle sa femme saozi.
La deuxième est dagugu (qu’on appelle daniang). Elle est l’aînée de la fratrie avec le deuxième père. Son mari est daguye (prononcé daguyi). Ils ont un fils plus âgé qui est un biaoge de ma femme.
Le troisième est erbobo (erbeibei), et sa femme erbeiniang. Ils ont une fille plus âgée qui est la tangjie de ma femme.
Le quatrième est le père de ma femme.
La cinquième est wugugu, son mari est wuguye (prononcé wuguyi). Ils ont deux filles, qui sont deux cousines plus âgées que ma femme. Elles sont un peu plus âgées que ma femme donc nous les appelons par leurs prénoms, on les désigne comme des jiejie, la deuxième est aussi pour moi une jiejie, bien qu’elle soit moins âgée que moi.
Le sixième est liuba (prononcé luba), marié à lushen. Ils ont une fille moins âgée qui est une tangmei, que l’on appelle par son prénom. Vous remarquerez que pour dire cousin ou cousine, on met biao ou tang devant les termes désignant petit(e)/grand(e) sœur/frère. On emploie tang seulement quand les pères des deux cousins ou cousines sont frères (ils ont donc le même grand père paternel, et donc le même nom de famille). On emploie biao pour les autres (les cousins biao sont donc statistiquement trois fois plus nombreux que les cousins tang).
Le dernier enfin est yaoba (yao signifie « un » ou le plus petit). Il n’est pas marié.
Seuls les grands-parents maternels vivent encore, ce sont waigong (grand-père) et waipo (grand-mère). Il n’y a plus aucun arrière-grand-parent de vivant, si oui on les appellerait zuzu indifféremment.
Bon, je ne vais pas vous présenter tous les membres de la famille, il en reste encore deux fois plus… L’intérêt est de comprendre la complexité.
Il faut je pense s’investir sérieusement pour s’intégrer dans une famille chinoise, car il faut appeler les personnes par leurs bonnes appellations. Bien sûr, en tant qu’étranger, ces personnes seront indulgentes si on se trompe, en tout cas jusqu’à un certain point. Par exemple, une chose à ne pas faire (ou en tout cas pas à répétition) c’est appeler un oncle qui a un lien de parenté avec le terme shushu (qui est un terme générique pour désigner oncle, mais sans forcément de lien parenté) ou une tante qui a un lien de parenté ayi ou niangniang (aussi le terme générique).
Ce qu’il y a de bien en Chine avec ce système un peu compliqué, c’est qu’à chaque fois qu’on appelle quelqu’un, on se remémore quel est le lien de parenté, et cela contribue à forger un fort sentiment d’appartenance à une même famille. La famille de ma femme est plutôt traditionnelle et particulièrement attachée à la famille. C’est peut-être moins le cas dans d’autres familles…
Parfois, il m’arrive de me retrouver avec des personnes très éloignés d’un point de vue lien de parenté en se comportant vraiment comme si c’était de la famille proche. Aujourd’hui par exemple, nous sommes allés apporter des fruits à un « oncle » qui vient de se faire opérer à Chengdu. En fait d’oncle, c’est le mari d’une tante maternelle d’une cousine par son père de ma femme (le marie d’une tante maternelle de la fille de sanjiujiu). Nous sommes allés chez son beau-frère qui l’hébergeait, et où se trouvaient aussi les grands-parents maternels de la cousine, etc. En France pour comparaison, je connais à peine tous mes cousins…
Pour finir une devinette (très difficile) :
Pour voir si ceux qui auront lu cette article jusqu’au bout ont bien suivi : comment doit m’appeler xiaodongxi, le fils de la cousine de ma femme ? (réponse en trois caractères ou trois syllabes)
Si vous trouvez, mais ça m’étonnerait, vous aurez le droit à mon admiration éternelle. En fait, c’est trouvable si on lit attentivement cet article, courage ! (le vocabulaire résumé se trouve juste en dessous)
Le vocabulaire (incomplet) pour ceux intéressés par le chinois : (d’abord en français, puis en caractère chinois et en pinyin)
1 一 yi
2 二 er
3 三 san
4 四 si
5 五 wu
6 六 liu
7 七 qi
8 八 ba
9 九 jiu
10 十 shi
le plus grand d’une fratrie 大 da
le plus petit d’une fratrie 幺 yao
cousinage par les pères (portent le même nom de famille) 堂 tang
cousinage par une mère (nom de famille différent) 表 biao
génération suivante 晚辈 wanbei
génération précedente 长辈 zhangbei
Appellations du plus vieux au plus jeune :
Génération -5 et au dessus :
Les arrière-arrière-arrière-grands-parents et tous leurs ascendants : 老祖宗 laozuzong (indépendamment du sexe, de la lignée mâle ou femelle…)
Génération -4
arrière-arrière-grands-parents : 天天 tiantian (indépendamment du sexe, de la lignée mâle ou femelle…)
Génération -3
arrière-grands-parents : 祖祖 zuzu (indépendamment du sexe, de la lignée mâle ou femelle…)
Génération -2
grand-père paternel 爷爷 yeye
grand-mère paternelle 奶奶 nainai
grand-père maternel 外公 waigong
grand-mère maternelle 外婆 waipo
frère de la grand-mère maternelle : 舅公 jiugong et sa femme 舅婆 jiupo
sœur de la grand-mère maternelle : 姨婆 yipo et son mari 姨公 yigong
frère du grand-père paternel : le numéro+爷爷
frère du grand-père maternel : le numéro+外公 ou 家公 jiagong (localement)
sœur du grand-père paternel : 姑婆 gupo et son mari 姑公 gugong (on préférera dire 公公 gonggong)
cousin « biao » d’un grand-parent 表公 biaogong
cousine « biao » d’un grand-parent 表婆 biaopo
une personne sans parenté de la génération des grands-parents : 公公 gonggong pour les hommes et 婆婆 popo pour les femmes
Génération -1
papa 爸爸 baba
maman 妈妈 mama
oncle maternel 舅舅 jiujiu
oncle paternel plus âgé que le père 伯 bo (prononcé localement bei)
oncle paternel moins âgé que le père 爸 ba
tante maternelle 姨 yi ou 姨妈 yima
tante paternelle 姑姑 gugu
mari de la tante maternelle 姨爹 yidie (prononcé localement yidi)
mari de la tante paternelle 姑爷 guye (prononcé localement guyi)
femme de l’oncle maternelle 舅娘 jiuniang (prononcé localement jiuliang)
femme du frère aîné du père 伯娘 boniang (prononcé localement beiliang)
femme du frère cadet du père 婶母 shenmu. Avec le numéro cela donne numéro+婶
cousin « biao » d’un parent 表叔 biaoshu et sa femme 表婶 biaoshen (jamais de numéro pour ceux-là)
cousine « biao » d’un parent 表姨 biaoyi et son mari 表姨爹 biaoyidie
père de l’épouse 老丈人 laozhangren
une personne sans parenté de la génération des parents : 叔叔 shushu pour les hommes et 娘娘 niangniang (localement) pour les femmes
Génération 0
mari 老公 laogong
femme 老婆 laopo
grand frère 哥哥 gege, on précise 亲哥哥 qingege si même parents (prononcé localement gogo)
grande soeur 姐姐 jiejie, on précise 亲姐姐 qinjiejie si même parents
petit frère 弟弟 didi, on précise 亲弟弟 qindidi si même parents
petite soeur 妹妹 meimei, on précise 亲妹妹 qinmeimei si même parents
cousin plus âgé 表哥 biaoge ou 堂哥 tangge (même lignée paternelle)
cousin moins âgé 表弟 biaodi ou 堂弟 tangdi (même lignée paternelle)
cousine plus âgée 表姐 biaojie ou 堂姐 tangjie (même lignée paternelle)
cousine moins âgée 表姐 biaomei ou 堂姐 tangmei (même lignée paternelle)
mari de la grande sœur 姐夫 jiefu
mari de la petite sœur 妹夫 meifu
femme du grand frère 嫂子 saozi
femme du petit frère 弟妹 dimei
frère de la femme 小舅子 xiaojiuzi
sœur de la femme 姨姐 yijie ou 姨妹 yimei (prononcé localement yimei’er) selon la différence d’âge
deux hommes ayant épousé des sœurs 老挑 laotiao (prononcé localement laotiao’er)
Génération +1
fille 女儿 nü’er
fils 儿子 erzi
neveu 侄儿子 zhi’erzi (prononcé localement zi’erzi)
nièce 侄女儿 zhinü’er (prononcé localement zinü’er)
mari de la fille 女婿 nüxu (prononcé localement nüxi)
femme du fils 儿婿 erxi
Génération +2
fils du fils 孙子 sunzi
fils de la fille 外孙子 waisunzi
fille du fils 孙女 sunnü
fille de la fille 外孙女 waisunnü
Génération +3
arrière petit enfant : 组孙 zusun
Eh ben 😀
Allez, je tente, faut faire vivre le blog : sanyidie.
Qui dit mieux ?
J’ai changé d’avis : siyidie.
Bon bah pardon pour le spam 😀
Après réflexion, sanyidie était très bien.
Du point de vue de ton neveu, ta femme est sa tante (ou tante-cousine) numéro 3. Sa propre mère est l’aînée de la fratrie (ou cousinerie), et a 6 ou 7 ans de plus que ta femme. Puis vient une deuxième fille, de 2 ans l’aînée de ta femme. Ensuite, ta femme, donc 3e par ordre de naissance. Et enfin, il reste une autre soeur-cousine et un autre frère-cousin.
Donc, en tant que mari de la troisième-née, tu es sanyidie, si mes calculs sont bons. C’est mon dernier mot.